1. |
Atavismes
02:38
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je suis une ordure américaine
je suis une forêt de conifères
je suis la lente germination
de siècles de mauvais hivers
et toutes ces nuits passées à apprivoiser les coyotes
ne m’ont pas rendu plus à l’aise
face à mes tares héréditaires
j’aurai du noroît dans les yeux
et de l’amiante plein l’oesophage
notre famille sera nucléaire
et nos enfants anthropophages
et toutes ces nuits passées à abîmer le paysage
ne m’ont pas rendu moins amer
face à la lourdeur de ma chair
vois-tu venir le déluge
vois-tu la fin approcher
vois-tu notre noyade future
dans toute son infinie beauté
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2. |
Viaduc Van Horne
05:23
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il tombait des clous ce matin sur le viaduc van horne
la brume voilait les entrepôts mais j’en distinguais les formes
par-dessus le garde-fou j’ai jeté mon téléphone
pour que plus jamais par l’écouteur ta voix ne m’empoisonne
j’ai enjambé les nids de poules et les crevasses dans le ciment
évité les flaques de sloche et les regards des passants
à l’approche de chaque voiture je sentais trembler discrètement
l’armature entière de tous ses piliers agonisants
et quand les structures érigées dans les années 70
s’écrouleront enfin rattrapées par leurs béantes cicatrices
je ne serai pas de ceux qui pleureront sur le sacrifice
encerclé par l’heure de pointe j’ai bifurqué vers le nord
flâné comme dans un labyrinthe déserté par le minotaure
sous la métropolitaine j’ai vu un couple de chats noirs
traverser impunément le trafic du boulevard
et quand les voies déployées dans les années 70
déboucheront sur les cul-de-sac dont elles se savaient complices
je crierai de joie devant la fin du supplice
le soleil comme un chalumeau sur le viaduc Van Horne
les entrepôts se détachaient du ciel bleu et uniforme
par-dessus le garde-fou j’ai tendu un magnétophone
je pense que j’espérais secrètement que quelque part ta voix résonne
j’ai enjambé les nids de poule et les crevasses dans le ciment
évité les tas d’ordures, les lunettes noires des passants
j’avais beau mettre dans chaque pas tout ce que j’avais de pesant
l’armature s’accrochait au territoire fixement
et si les structures érigées dans les années 70
doivent rester plantées sous nos yeux éternelles et accusatrices
j’imagine que ce n’est qu’une élémentaire justice
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3. |
Canadiens en 7
03:22
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le printemps s’enlise mais tu as confiance
que malgré ses lacunes en défense
ton équipe saura combler l’avance
et traverser les turbulences
tu dis que l’Amérique carbure à ce genre d’histoire
qu’à chaque triomphe sa part de désespoir
que tous les perdants, les sous-estimés un jour pourront boire
à la coupe le champagne de la victoire
tu me confies les détails avec réticence
ce garçon quelconque qui répugne tes avances
mais tu te dis sereine convaincue de tes chances
un amour aussi pur exigence persévérance
tu dis les romans sont truffés des déboires
d’amoureux éconduits qui pourtant restent forts
que la tristesse ne peut qu’engendrer sur le tard
la lumière vive des matins de grands soirs
la musique du bar résonne dans la distance
on marche ensemble jusqu’au coin de Jeanne-Mance
tu m’arrêtes me dis merci pour ta patience
tu descends vers le sud, disparais dans la nuit dense
je repense à ta voix, à tes convictions notoires
à tes yeux écarquillés qui brillaient dans le noir
et je me dis qu’il me faudrait cesser de te voir
avant que tu ne m’encombres trop de faux espoirs
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4. |
Hosannah
02:41
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j’attends qu’enfin on pose Le point final à mon époque
j’ai tant de haine pour elle Je sais que c’est réciproque
hosanna, à qui de droit
je suis mort d’ennui au moins cent fois
en attendant une parole de toi
peu importe ce que tu me céderas
il m’en faudra davantage
bientôt le feu ravagera
ta forêt aux images
hosanna, du bout de tes doigts
je suis mort d’ennui au moins cent fois
en cherchant un peu de chaleur en toi
es-tu de ceux qui ont conspiré
pour la suite du monde
es-tu de ceux dont les mains moribondes
agrippent encore du bout des ongles
les deniers éclats de beauté
je sais que plus jamais
il n’y aura de meilleur moment
ce qu’il reste de clarté
nous enserre à présent
hosanna, de toute la fureur de ta voix
je suis mort d’ennui au moins cent fois
sans que ça ne suffise à me délivrer de moi
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5. |
Soulevez-moi
04:45
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oh grands dieux du skate park dérobé
vous qui m’avez fait don de ces genoux éraflés
vous qui m’avez pris dans vos grandes paumes rouillées
pour me préserver des fantômes de la cité
soulevez-moi hors de mon terrier
oh seigneurs du métal norvégien
vous qui buvez le sang, broyez les intestins
vous qui au plus creux de vos rituels païens
avez saisi la vraie nature du genre humain
soulevez-moi hors de mon chagrin
oh esprits du courant électrique
vous qui dans la machine soutenez les algorithmes
vous qui faites bouger sur l’écran cathodique
les silhouettes luisantes de mes héros pathétiques
soulevez-moi hors de ma panique
oh gardiens du savoir abscons
vous qui ruinez chacun de mes conversations
je reviens vers vous vous demander pardon
il n’y a personne d’autre qui parle en mon nom
soulevez-moi hors de ma condition
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6. |
Des Carrières
02:42
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sur la track des carrières
tu cours sans te fatiguer du parcours
même si sous le viaduc
à chaque fois tes poings se resserrent
et tu sens palpiter la fissure
ouverte au milieu de ton coeur
je connais tout de cet endroit
neige ou orage je m'y sens chez moi
même si sous la viaduc
à chaque fois mon courage se déboîte
et je ne peux que voir la fissure
ouverte au milieu de mon coeur
et quand cessera le saignement
nous nous enfoncerons paumes devant
dans l'asphalte préhistorique
nous les derniers des romantiques
sur la track des carrières
tu cours toute entière projetée vers le jour
et là-bas sous le viaduc
les ombres sont floues et menaçantes
elles savent exploiter les fissures
ouvertes au milieu de nos coeurs
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7. |
Fantôme sacré
04:06
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tu aurais préféré n’importe quoi
plutôt que de finir en chanson triste
mieux vaudrait être effacée de toutes les mémoires
que de te retrouvé enfermée
dans un trois minutes et trente secondes
de mélodie pathétique
que de voir ton nom pour toujours encombré
du poids de mon désir magnifié
oh toi le plus sacré des fantômes
freine ma voix dans son élan
je ne sais pas faire autrement
ton silence recouvre toutes les choses
comme une bordée de neige fraîche sur des ordures
j’ai marché jusqu’au bout du viaduc
juste pour m’assurer de son envergure
il manquait à la nuit ampoulée
quelque chose comme une fréquence
pour venir structurer le désordre
et donner au vacarme un sens
oh toi le plus sacré des fantômes
tu déchires la ville de ton silence
je ne peux plus entendre autre chose
tu aurais préféré n’importe quoi
plutôt que de finir en chanson triste
mais j’ai besoin de goûter à la vengeance
au moins pour une fois dans ma vie
oh toi le plus sacré des fantômes
je ne te laisserai pas t'enfuir
reste dans ma tête jusqu'à y mourir
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8. |
Mauvaise lumière
03:44
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arrivé aux limites du langage
je suis venu pour que tu me libères
des voies meurtrières au bout de mon âge
des promesses de mauvaise lumière
même quand je m’acharne
à performer ma laideur
toi tu sais qui je suis
à l’est du viaduc mes amis m’attendent
des loups qui mordent au hasard
je me dissimulerai sous leurs voix dissonantes
je les reconnaitrai pour la plupart
et si je vais avec eux
jusqu’au bout de la nuit
peut-être qu’ils verront qui je suis
je ne peux pas aller avec toi marcher au bord du fleuve
je dois rester sous les couvertures
dans la maison au chaud comme dans un nid de couleuvres
je me sens à l’abri du futur
et dehors personne
même au péril de sa vie
ne pourrait me dire qui je suis
arrivé aux limites du langage
je suis venu à toi comme à la mer
avec l’envie de perdre le sens du rivage
jusqu’à ce que s’enlise ma colère
ma conscience est claire
je sais ce que je préfère
quitte à briser qui je suis
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9. |
Des Corneilles
03:26
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le jour où ils ont enfin trouvé
notre dernier point de rupture
je les ai vu au loin célébrer
porter des toasts au futur
et nous rampant dans la poussière
de la boue dans nos crinières
nous nous faisions patiemment les dent
à même les rebuts de leur festin
ils ne savent pas ce dont nous serons capables
le jour où nous en aurons eu assez
le jour où ils ont enfin compris
la nature du mal qui nous défigure
ils nous ont dit qu’il était déjà trop tard
que les maladies nous auraient à l’usure
et nous avons fui comme des zombies
en suivant le chant des corneilles
mais nos chairs prenaient du mieux
à chacun des levers du soleil
ils ne savent pas ce dont nous serons capables
le jour où nous en aurons eu assez
nous sommes de ces déchets qui résistent
à la putréfaction
au milieu de vos champs en fleurs
nous sommes les mauvaises herbes
insensibles au poison
vous ne savez pas ce dont nous serons capables
le jour où nous en aurons eu assez
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10. |
Corps étranger
05:25
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je ne choisis pas les lieux que j’habite
je ne fais que combler
les espaces vides éparpillés
les fantômes ici sous les viaducs
parlent un langage d’affamés
que je ne peux pas comprendre
et le pavé que je foule en revenant de travailler
me brûle la plante des pieds comme pour me recracher
comme un corps étranger
je ne peux plus compter chaque mur qui s’effrite
la moindre structure dans ce quartier
est une ruine en devenir
je contourne les couleuvres qui jonchent les trottoirs
je laisse leurs carapaces s’assécher
au soleil comme des feuilles mortes
et les organes que je sens encore palpiter entre mes os
la nuit se pressent contre ma peau comme pour s’en éjecter
comme autant de corps étrangers
tu es la seule créature sur ce territoire
qui mérite encore d’appeler
par leur nom les disparus
tu as la force nécessaire pour enjamber
toutes ces boutiques abandonnées
pour aller plonger dans le fleuve sacré
je suis un homme de peu de foi, je peux te le concéder
mais j’ai soif de ta vérité, garde-moi ici à ta portée
je ne suis pas un corps étranger
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